par Giorgione© - 05/12/08
Celle-ci, on l’entend partout : «Il est riche de chez riche», «Je suis décontracté de chez décontracté».
En elle-même l’expression est une hyperbole, une des figures les plus employées. Plus précisément encore, elle présente une structure de miroir, deux vocables de même lexème étant subordonnés l’un à l’autre. C’est alors une des plus anciennes formes de l’hyperbole, qu’on pourrait appeler hyperbole biblique, puisqu’elle reprend un couplage, un redoublement analogue à celui d’expressions comme «le saint des saints», «le roi des rois», «les siècles des siècles». C’est sur ce modèle qu’on a fabriqué depuis des expressions comme «le patron des patrons» ou «le champion des champions» ou «le fin du fin».
A cette dimension superlative («il est riche de chez riche» = il est richissime), notre expression ajoute une superlativité supplémentaire : celle de la marque déposée, du meilleur faiseur. De la même manière qu’une bonne glace pour un Parisien ne peut venir que de chez Bertillon, qu’un foulard vient de chez Hermès, de la même manière «Il est crétin de chez crétin» renvoie à une espèce de marque déposée («Crétin and Co»), propriété d’une firme détentrice unique d’un brevet de crétinerie. Je suppose que si cette expression se trouvait imprimée quelque part, le scripteur mettrait une majuscule à la deuxième occurrence du mot redoublé : «Il est riche de chez Riche».
Si l’on considère que ces expressions de notre langage quotidien sont porteuses d’un monde ou reflètent celui dans lequel nous vivons, notre expression correspond au monde de la grande consommation, de la mode, où les marques jouent un très grand rôle ; de là les métonymies qui nous sont habituelles : on porte un Lévis (nom du fabriquant) au lieu d’un jean (le produit manufacturé). Mais, rançon de l’engouement qu’elles suscitent, les marques provoquent la contrefaçon: «crétin de chez Crétin» nous rassure bien courtoisement, rien ici qui vienne de Taïwan ou Shangaï. La crétinerie est bien authentique, l’étiquette en fait foi.
De ce monde des marques, de la grande consommation, il semble aussi que l’expression qui nous occupe tire sa mécanique interne, son automatisme de fabrication. On peut le résumer en un schéma : être x de chez x qu’on peut considérer comme un kit de fabrication, la part d’inventivité personnelle y étant extrêmement réduite, pour ne pas dire nulle. On se croirait chez une espèce d’Ikéa du langage, où tout est livré clé en main. Voulez-vous être superlatif ? Suivez le mode d’emploi : Just do it !
Voilà ce qui finalement est le plus triste dans cette expression : elle fait de nous qui l’employons des copies conformes, des contrefaçons d’originalité. Elle est superlativement banale, banale de chez Banal.
samedi 6 décembre 2008
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